Название | La parole empêchée |
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Автор произведения | Группа авторов |
Жанр | Документальная литература |
Серия | études litteraires françaises |
Издательство | Документальная литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9783823300779 |
Si la parole est impossibleimpossibilité à prendre – pleinement, totalement, le dire peut néanmoins se faire entendre grâce à l’exploitation concertée par l’écrivain des multiples ressources de la rhétoriquerhétorique : tel est l’objet de la quatrième partie de cet ouvrage, « Rhétorique et stratégies de contournement ». La lyrique médiévale, qui est hantée par la peurpeur du silence, fournit un premier terrain d’investigation. Guillaume Oriol montre que, dans la poésie occitane du trobar clus, grâce au jeu subtil de l’entrebescar des mots et des rimes, « la parole empêchée est une parole excédée ». Parce que la passion est de l’ordre de l’ineffableineffable, le discours amoureux est chanté de manière déstabilisante sur le mode du troubletrouble et du non-sensnon-sens : ne pouvant dire ce qu’est l’amour, les troubadours disent ce qu’il n’est pas et le chant,chant loin d’être réduit au silence, résonnerésonance avec une puissance décuplée. Manfred Kern s’attache à l’expression scénique et poétique des topoï du mutismemutisme dans les chansons du Minnesang et la lyriquelyrisme d’oc : puisqu’il est une nécessité absolue pour celui qui aime, le chant va prendre la tournure d’un don naturel et s’inscrire dans une temporalité et un espace où les distances s’abolissent. L’art du poète est alors de lutter contre l’évanouissement en affirmant de façon sonore la force d’un chant appelé à se répéterrépétition, à se moduler dans la durée et à persister, encore et encore, dans une sorte de permanence essentielle. Les chansons courtoisescourtoisie des troubadours et les pastourelles, genre lyrico-narratif, auxquelles s’intéresse Lucilla Spetia, sont, les unes comme les autres, habitées par une réflexion omniprésente sur le langage poétique. Divers motifs tel le chant des oiseaux ou la mention du latin, la langue des lettrés à l’ombre de laquelle se construit la langue vernaculaire nouvellement littéraire, dessinent des lignes de force et opposent diverses facettes de la parole : tantôt pleine, efficace et pleine de sagesse ; tantôt, revêtue des masques les plus divers, jusqu’à y perdre son identitéidentité dans le jeu poétique.
Les cinq articles suivants présentent ensuite, à travers les âges, divers exemples où les défaillances de la parole trouvent également toujours une parade dans l’écriture. Deux cas de mutismemutisme prolongé dans le roman-fleuve de PerceforestPerceforest retiennent l’attention de Christine Ferlampin-Acher : bien que l’un soit subi et l’autre choisi, tous deux signalent un troubletrouble de l’identitéidentité, devenue momentanément instable, s’inscrivent dans une problématique historique typique de la visée d’une chronique et affirment une dimension métapoétique où une parole nouvelle s’épanche justement en prenant sa source dans les silences inventés. Dans les Diaboliques de Barbey d’AurevillyBarbey d’Aurevilly (Jules Amédée) étudiées par Gérard Peylet, la parole se fige quand on bascule de l’avouable à l’inavouableinavouable : le silence absolu devient le rempart des héroïnes et le traumatismetraumatisme des héros ; l’écriture spécifique des nouvelles se nourrit de ces non-ditnon-dits qui accumulent le mystère et de polysémies qui feignent de combler sans cesse les abîmes ouverts des récits pour mieux les creuser. L’imaginationimagination du lecteur, confronté à la violenceviolence qui habite le langage déficientdéficience autant qu’à celle des personnages, est ainsi constamment attisée. Charles PéguyPéguy (Charles), de son côté, illustre une tout autre voie où la parole poétique empreinte de mysticisme résout le paradoxe essentiel d’une parole chrétienne, lourde de l’héritage du passé, désormais impossible à transmettre dans la modernité, étouffée qu’elle est par la parole politique, mais par ailleurs impérissable, parce que guidée par la justicejustice et la véritévérité et ancrée profondément dans l’intériorité collective. Comme le montre l’étude de Christophe Pérez, l’écrivain nous amène à réfléchir sur la différence existant entre une parole qui est de l’ordre de l’avoir et peut être manipulée ou confisquée et une parole qui relève de l’être et qui, comme tel, est éternelle. Dans Palomar,