Название | L'alouette du casque; ou, Victoria, la mère des camps |
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Автор произведения | Эжен Сю |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066087272 |
— Tiens, Scanvoch, tu es l'ami de notre mère à tous, de Victoria, la belle et l'auguste; tu chéris Victoria comme son fils; dis-lui ceci: Les soldats, même les plus grossiers, les plus dissolus, n'aiment pas à retrouver leurs vices dans les chefs qu'ils ont choisis; aussi, de jour en jour, l'affection de l'armée se retire de Victorin pour se reporter tout entière sur Victoria.
— Oui, lui dis-je en réfléchissant; et cela seulement, n'est-ce pas? depuis que Tétrik, le gouverneur de Gascogne, parent et ami de Victoria, a fait un dernier voyage au camp. Jusqu'alors on avait aimé le jeune général, malgré les faiblesses de son âge.
— C'est vrai; il était si bon, si brave, si avenant pour chacun! Il était si beau à cheval! il avait une si fière tournure militaire! Nous l'aimions comme notre enfant, ce jeune capitaine! Nous l'avions vu naître et fait danser tout petit sur nos genoux aux veillées du camp; plus tard, nous fermions les yeux sur ses faiblesses, car les pères sont toujours indulgents; mais pour des indignités, pas d'indulgence!
— Et de ces indignités, repris-je de plus en plus frappé de cette circonstance qui, rappelant à mon esprit certains souvenirs, éveillait aussi en moi une vague défiance, et de ces indignités il n'existe pas d'autre preuve que la parole du secrétaire de Tétrik?
— Ce secrétaire nous a rapporté les paroles de son maître, rien de plus…
Pendant cet entretien, auquel je prêtais une attention de plus en plus vive, notre barque, conduite par les quatre vigoureux rameurs, avait traversé le Rhin dans toute sa largeur; les soldats tournaient le dos à la rive où nous allions aborder; moi, j'étais tellement absorbé par ce que j'apprenais de la désaffection croissante de l'armée à l'égard de Victorin, que je n'avais pas songé à jeter les yeux sur le rivage, dont nous approchions de plus en plus… Soudain j'entendis une foule de sifflements aigus retentir autour de nous et je m'écriai:
— Jetez-vous à plat sur les bancs!
Il était trop tard.; une volée de longues flèches criblait notre bateau: l'un des rameurs fut tué, tandis que Douarnek, qui pour ramer tournait le dos à l'avant de la barque, reçut un trait dans l'épaule.
— Voilà comme les Franks accueillent les parlementaires en temps de trêve, dit le vétéran sans discontinuer de ramer et même sans retourner la tète; c'est la première fois que je suis frappé par derrière. Cette flèche dans le dos sied mal à un soldat; arrache- la-moi vite, camarade, ajouta-t-il en s'adressant au rameur devant lequel il était placé.
Mais Douarnek, malgré ses efforts, manoeuvrait sa rame avec moins de vigueur; et quoique la plaie fût légère, son sang coulait avec abondance.
— Je te l'avais bien dit, Scanvoch, reprit-il, que tes branches de paix nous seraient de mauvais remparts contre la traîtrise de ces écorcheurs franks… Allons, enfants, ferme à nos rames, puisque nous ne sommes plus que trois; car notre camarade, qui se débat le nez sur son banc, ne peut plus compter pour un rameur!
Douarnek n'avait pas achevé ces paroles, que, m'élançant à l'avant de la barque en passant par-dessus le corps du soldat qui rendait le dernier soupir, je saisis une des branches de chêne et l'agitai au-dessus de ma tête en signal de paix.
Une seconde volée de flèches, partie de derrière un escarpement de la rive, répondit à mon signal: l'une m'effleura le bras, l'autre s'émoussa sur mon casque de fer; mais aucun soldat ne fut atteint. Nous étions alors à peu de distance du rivage; je me jetai à l'eau; elle me montait jusqu'aux épaules, et je dis à Douarnek:
— Fais force de rames pour te mettre hors de portée des flèches, puis tu ancreras le bateau, et vous m'attendrez sans danger… Si après le coucher du soleil je ne suis pas de retour, retourne au camp, et dis à Victoria que j'ai été fait prisonnier ou massacré par les Franks; elle prendra soin de ma femme Ellèn et de mon fils Aëlguen…
— Cela me fâche de te laisser aller seul parmi ces écorcheurs, ami Scanvoch, dit Douarnek; mais nous faire tuer avec toi, c'est t'ôter tout moyen de revenir à notre camp, si tu as le bonheur de leur échapper… Bon courage, Scanvoch… À ce soir…
Et la barque s'éloigna rapidement pendant que je gagnais le rivage.
CHAPITRE II
À peine eus-je touché le bord, tenant ma branche d'arbre à la main, que je vis sortir des rochers, où ils étaient embusqués, un grand nombre de Franks, appartenant à ces hordes de leur armée qui portent des boucliers noirs, des casaques de peau de mouton noires, et se teignent les bras, les jambes et la figure, afin de se confondre avec les ténèbres lorsqu'ils sont en embuscade ou qu'ils tentent une attaque nocturne. Leur aspect était d'autant plus étrange et hideux, que les chefs de ces hordes noires avaient sur le front, sur les joues et autour des yeux, des tatouages d'un rouge éclatant… Je parlais assez bien la langue franque, ainsi que plusieurs officiers et soldats de l'armée, depuis longtemps habitués dans ces parages.
Les guerriers noirs, poussant des hurlements sauvages, m'entourèrent de tous côtés, me menaçant de leurs longs couteaux, dont les lames étaient noircies au feu.
— La trêve est conclue depuis plusieurs jours! leur ai-je crié. Je viens, au nom du chef de l'armée gauloise, porter un message aux chefs de vos hordes… Conduisez-moi vers eux… Vous ne tuerez pas un homme désarmé…
Et en disant cela, convaincu de la vanité d'une lutte, j'ai tiré mon épée et l'ai jetée au loin. Aussitôt ces barbares se précipitèrent sur moi en redoublant leurs cris de mort… Quelques-uns détachèrent les cordes de leurs arcs, et malgré mes efforts me renversèrent et me garrottèrent; il me fut impossible de faire un mouvement.
— Écorchons-le, dit l'un; nous porterons sa peau sanglante au grand chef Néroweg; elle lui servira de bandelettes pour entourer ses jambes.
Je savais qu'en effet les Franks enlevaient souvent, avec beaucoup de dextérité, la peau de leurs prisonniers, et que les chefs de hordes se paraient triomphalement de ces dépouilles humaines. La proposition de l'écorcheur fut accueillie par des cris de joie; ceux qui me tenaient garrotté cherchèrent un endroit convenable pour mon supplice, tandis que d'autres aiguisaient leurs couteaux sur les cailloux du rivage…
Soudain le chef de ces écorcheurs s'approcha lentement de moi; il était horrible à voir: un cercle tatoué d'un rouge vif entourait ses yeux et rayait ses joues; on aurait dit des découpures sanglantes sur ce visage noirci. Ses cheveux, relevés à la mode franque autour de son front, et noués au sommet de sa tête, retombaient derrière ses épaules comme la crinière d'un casque, et étaient devenus d'un fauve cuivré, grâce à l'usage de l'eau de chaux dont se servent ces barbares pour donner une couleur ardente à leurs cheveux et à leur barbe. Il portait au cou et au poignet un collier et des bracelets d'étain grossièrement travaillés; il avait pour vêtement une casque de peau de mouton noire; ses jambes et ses cuisses étaient aussi enveloppées de peaux de mouton, assujetties avec des bandelettes de peau croisées les unes sur les autres. À sa ceinture pendaient une épée et un long couteau. Après m'avoir regardé pendant quelques instants, il leva la main, puis l'abaissa sur mon épaule en disant:
— Moi, je prends et garde ce Gaulois pour Elwig!
Les sourds murmures de plusieurs guerriers noirs accueillirent ces paroles de leur chef. Celui-ci reprit d'une voix plus éclatante encore:
— Riowag prend ce Gaulois pour la prêtresse Elwig; il faut à
Elwig un prisonnier pour ses augures.
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