La comtesse de Rudolstadt. Жорж Санд

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Название La comtesse de Rudolstadt
Автор произведения Жорж Санд
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
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la justice de celui qui me l'avait apporté.

      – Ah! vous avez pris cela pour une déclaration! dit Frédéric d'un ton glacial et avec un mépris cynique.

      – Dieu merci, non! répondit la jeune fille avec un mouvement d'effroi très-sincère.

      – Pourquoi dites-vous Dieu merci?

      – Parce que je sais que Votre Majesté ne fait que des déclarations de guerre, même aux dames.

      – Vous n'êtes ni la czarine, ni Marie-Thérèse; quelle guerre puis-je avoir avec vous?

      – Celle que le lion peut avoir avec le moucheron.

      – Et quelle mouche vous pique, vous, de citer une pareille fable? Le moucheron fit périr le lion à force de le harceler.

      – C'était sans doute un pauvre lion, colère et par conséquent faible. Je n'ai donc pu penser à cet apologue.

      – Mais le moucheron était âpre et piquant. Peut-être que l'apologue vous sied bien!

      – Votre Majesté le pense?

      – Oui.

      – Sire, vous mentez?»

      Frédéric prit le poignet de la jeune fille, et le serra convulsivement jusqu'à le meurtrir. Il y avait de la colère et de l'amour dans ce mouvement bizarre. La Porporina ne changea pas de visage, et le roi ajouta en regardant sa main rouge et gonflée: «Vous avez du courage!

      – Non, Sire, mais je ne fais pas semblant d'en manquer comme tous ceux qui vous entourent.

      – Que voulez-vous dire?

      – Qu'on fait souvent le mort pour n'être pas tué. A votre place, je n'aimerais pas qu'on me crût si terrible.

      – De qui êtes-vous amoureuse? dit le roi changeant encore une fois de propos.

      – De personne, Sire.

      – Et en ce cas, pourquoi avez-vous des attaques de nerfs?

      – Cela n'intéresse point le sort de la Prusse, et par conséquent le roi ne se soucie pas de le savoir.

      – Croyez-vous donc que ce soit le roi qui vous parle?

      – Je ne saurais l'oublier.

      – Il faut pourtant vous y décider. Jamais le roi ne vous parlera; ce n'est pas au roi que vous avez sauvé la vie, Mademoiselle.

      – Mais je n'ai pas retrouvé ici le baron de Kreutz.

      – Est-ce un reproche? Il serait injuste. Le roi n'eût pas été hier s'informer de votre santé. Le capitaine Kreutz y a été.

      – La distinction est trop subtile pour moi, monsieur le capitaine.

      – Eh bien tâchez de l'apprendre. Tenez, quand je mettrai mon chapeau sur ma tête, comme cela, un peu à gauche, je serai le capitaine; et quand je le mettrai comme ceci, à droite, je serai le roi; et selon ce que je serai, vous serez Consuelo, ou mademoiselle Porporina.

      – J'entends, Sire; eh bien, cela me sera impossible. Votre Majesté est libre d'être deux, d'être trois, d'être cent; moi je ne sais être qu'une.

      – Vous mentez! vous ne me parleriez pas sur le théâtre devant vos camarades comme vous me parlez ici.

      – Sire, ne vous y fiez pas!

      – Ah ça, vous avez donc le diable au corps aujourd'hui?

      – C'est que le chapeau de Votre Majesté n'est ni à droite ni à gauche, et que je ne sais pas à qui je parle.»

      Le roi, vaincu par l'attrait qu'il éprouvait, dans ce moment surtout, auprès de la Porporina, porta la main à son chapeau d'un air de bonhomie enjouée, et le mit sur l'oreille gauche avec tant d'exagération, que sa terrible figure en devint comique. Il voulait faire le simple mortel et le roi en vacances autant que possible; mais tout d'un coup, se rappelant qu'il était venu là, non pour se distraire de ses soucis, mais pour pénétrer les secrets de l'abbesse de Quedlimburg, il ôta son chapeau tout à fait, d'un mouvement brusque et chagrin; le sourire expira sur ses lèvres, son front se rembrunit, et il se leva en disant à la jeune fille:

      «Restez ici, je viendrai vous y reprendre.»

      Et il passa dans la chambre de la princesse, qui l'attendait en tremblant. Madame de Kleist, l'ayant vu causer avec la Porporina, n'avait osé bouger d'auprès du lit de sa maîtresse. Elle avait fait de vains efforts pour entendre cet entretien; et, n'en pouvant saisir un mot à cause de la grandeur des appartements, elle était plus morte que vive.

      De son côté, la Porporina frémit de ce qui allait se passer. Ordinairement grave et respectueusement sincère avec le roi, elle venait de se faire violence pour le distraire, par des coquetteries de franchise un peu affectées, de l'interrogatoire dangereux qu'il commençait à lui faire subir. Elle avait espéré le détourner tout à fait de tourmenter sa malheureuse sœur. Mais Frédéric n'était pas homme à s'en départir, et les efforts de la pauvrette échouaient devant l'obstination du despote. Elle recommanda la princesse Amélie à Dieu; car elle comprit fort bien que le roi la forçait à rester là, afin de confronter ses explications avec celles qu'on préparait dans la pièce voisine. Elle n'en douta plus en voyant le soin avec lequel, en y passant, il ferma la porte derrière lui. Elle resta donc un quart d'heure dans une pénible attente, agitée d'un peu de fièvre, effrayée de l'intrigue où elle se voyait enveloppée, mécontente du rôle qu'elle était forcée de jouer, se retraçant avec épouvante ces insinuations qui commençaient à lui venir de tous côtés de la possibilité de l'amour du roi pour elle, et l'espèce d'agitation que le roi lui-même venait de trahir à cet égard dans ses étranges manières.

      VI

      Mais, mon Dieu! l'habileté du plus terrible dominicain qui ait jamais fait les fonctions de grand inquisiteur peut-elle lutter contre celle de trois femmes, quand l'amour, la peur et l'amitié inspirent chacune d'elles dans le même sens? Frédéric eut beau s'y prendre de toutes les manières, par l'amabilité caressante et par la provocante ironie, par les questions imprévues, par une feinte indifférence, par des menaces détournées, rien ne lui servit. L'explication de la présence de Consuelo dans les appartements de la princesse se trouva absolument conforme, dans la bouche de madame de Kleist et dans les affirmations d'Amélie, à celle que la Porporina avait si heureusement improvisée. C'était la plus naturelle, la plus vraisemblable. Mettre tout sur le compte du hasard est le meilleur moyen. Le hasard ne parle pas et ne donne pas de démentis.

      De guerre lasse, le roi abandonna la partie, ou changea de tactique; car il s'écria tout d'un coup:

      «Et la Porporina, que j'oublie là dedans! Chère petite sœur, puisque vous vous trouvez mieux, faites-la rentrer, son caquet nous amusera.

      – J'ai envie de dormir, répondit la princesse, qui redoutait quelque piège.

      – Eh bien, souhaitez-lui le bonjour, et congédiez-la vous-même.»

      En parlant ainsi, le roi, devançant madame de Kleist, alla lui-même ouvrir la porte et appela la Porporina.

      Mais, au lieu de la congédier, il entama sur-le-champ une dissertation sur la musique allemande et la musique italienne; et lorsque le sujet fut épuisé, il s'écria tout d'un coup:

      «Ah! signora Porporina, une nouvelle que j'oubliais de vous dire, et qui va vous faire plaisir certainement: Votre ami, le baron de Trenck, n'est plus prisonnier.

      – Quel baron de Trenck, Sire? demanda la jeune fille avec une habile candeur: j'en connais deux, et tous deux sont en prison.

      – Oh! Trenck le Pandoure périra au Spielberg. C'est Trenck le prussien qui a pris la clef des champs.

      – Eh bien, Sire, répondit la Porporina, pour ma part, je vous en rends grâces. Votre Majesté a fait là un acte de justice et de générosité.

      – Bien obligé du compliment, Mademoiselle. Qu'en pensez-vous, ma chère sœur?

      – De quoi parlez-vous donc? dit la princesse. Je ne